La reconstruction de la RD Congo sérieusement menacé

La reconstruction de la RD Congo sérieusement menacé

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Publié, le 03 avril 2021 | Dans la catégorie Promotions | Temps de lecture 4 minutes et 25 secondes

« Dans le domaine de la reconstruction, la charpente des corps de métiers ce sont les maçons, les menuisiers et les charpentiers, qu’on appelle dans le jargon professionnel les compagnons dans la mesure où ils assistent utilement les cadres - ingénieurs BTP et civils, architectes, etc. - dans la réalisation des projets de construction ». Ces propos sont du Professeur Yvon TSHILUMBA, architecte, environnementaliste et chef de section à l’Institut Supérieur d’Architecture et d’Urbanisme, ISAU, à Kinshasa Gombe.

Contacté par la rédaction du portail immordc.net, l’homme de science fait un constat triste selon lequel, maçons, charpentiers, menuisiers, ferrailleurs et d’autres auxiliaires congolais de la construction s’expatrient vers les pays voisins, à la recherche du mieux-être et des meilleures conditions de vie qui ne leur sont pas offertes en RD Congo ; leur pays d’origine.

 

Quels sont les raisons de la fuite de la main d’œuvre ?

L’importation au jour d’aujourd’hui par l’Etat congolais de la main d’œuvre chinoise, indienne, japonaise, etc., pour la mise en application de sa politique de reconstruction, est un signe qui ne trompe pas. C’est un mépris de l’expertise locale. « Même les manœuvres doivent venir d’autres continents, notamment de l’Asie, avec la Chine qui s’est pratiquement tapé la part du lion dans les grands projets de reconstruction du grand Congo. Allez-y comprendre pourquoi la main d’œuvre congolaise s’expatrie, elle n’est ni valorisée, ni prise en compte par l’Etat, détenteur d’une part importante du marché des infrastructures et de l’immobilier. Ils sont près de 90% à Brazzaville, en Angola et dans d’autres pays où leur travail peut leur permettre de se prendre en charge.

Bien plus, d’autres raisons qui sont couramment avancées pour expliquer l’expatriation de la main d’œuvre congolaise dans le domaine de la construction et dans d’autres domaines en général sont : 

- La recherche des meilleures conditions de travail et de rémunération ;

- La recherche d’une garantie et d’une sécurité d’emploi pour l’avenir ;

- Le besoin de découverte d’autres aires de vie, etc.

 

Quel avenir pour le model congolais de reconstruction sans main d’œuvre ?

« Très sombre », tranche Yvon TSHILUMBA. Dans un pays en pleine reconstruction, on ne compte que deux écoles de construction de niveau secondaire : Bumbu et N’sele, et trois de niveau universitaire : INBTP, ISAU, et la faculté de polytechnique de l’université de Kinshasa. « Ce serait un mot vain, de parler de la reconstruction dans un tel décor, sans les animateurs de cette reconstruction. Les rares qui sortent de ces écoles déjà en grande difficulté de logistique et de laboratoire, ne se voient pas utilisés au maximum par l’Etat qui leur préfère l’expertise étrangère ». Tout, estime le professeur Yvon, devrait commencer par le sommet, avec la création de l’ordre des architectes, l’organisation du corps des ingénieurs BTP et civils confondus. L’Etat devrait valoriser les corps des métiers qui œuvrent dans le secteur de la construction pour stopper l’hémorragie vers l’extérieur.

L’avenir de la reconstruction RD Congolaise est sérieusement menacé, parce que, selon ce haut cadre de l’enseignement supérieur et universitaire, « il n’y a pas que des maçons et autres qui s’expatrient. Savez-vous combien d’ingénieurs, d’architectes, d’aménageurs, d’urbanistes et même d’électriciens sortent du pays chaque jour qui passe ? », la question reste posée.

 

La RDC va-t-elle importer la main d’œuvre pour sa reconstruction

Aujourd’hui, c’est la main d’œuvre chinoise et asiatique en général, mais qui n’arrive pas du tout à couvrir le besoin en manœuvre pour des travaux de modernisation entrepris. La RDC va-t-elle importer sa propre main d’œuvre enfouie dans les bourgs brazzavillois et luandais qui participent à la reconstruction de ces pays voisins plutôt qu’à celle de leur pays d’origine ? Le besoin est ressenti et cela risque bien d’être le cas dans un très proche avenir. Mais la question fondamentale qui se pose : c’est pour quelle garantie ?

« Vous voyez ces gens prêts à retourner travailler au pays sans aucune garantie de l’Etat ? », demande le Professeur Yvon TSHILUMBA. Il poursuit : « les chinois et autres viennent avec la garantie de leurs gouvernements. Or, l’Etat congolais n’offre jusqu’ici aucune garantie pour les siens qui trouvent refuge ailleurs. Pire encore, s’exclame l’architecte converti à l’environnement et à l’écologie, « on parle de tout le monde à la télévision congolaise : musiciens, sportifs, pasteurs, etc., mais jamais des maçons, charpentiers, menuisiers, même pas des ingénieurs, architectes etc., pourtant les congolais aiment bien construire pour être propriétaires immobiliers ».

« Tenez, ces compatriotes ne reviendront pas au pays tant que les conditions qui les ont poussés à sortir sont restées les mêmes, et surtout, tant qu’il n’existera pas dans leur pays d’origine une politique de promotion de l’expertise nationale. Si l’on y prend garde, ne soyez donc pas étonnés que la RDC des dix prochaines années ait une crise de maçons, charpentiers et autres manœuvres».

Remerciement au Professeur Yvon TSHILUMBA (cartec_congo@yahoo.fr)

 

 

Auteur : Divin Patrick Kabandika | Copyright : immordc.net - Mars 2012 | Crédit photo : FreeImages

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